dimanche 3 mars 2013

Anna Karénine

ANNA KARENINE - TOLSTOÏ

Avec un grand retard sur le programme, Anna Karénine est donc la première lecture effectuée dans le cadre du Challenge ABC 2013 de Livraddict. Je n'ai pas regretté une seule seconde de l'avoir mis un peu par hasard dans la liste des livres à lire et d'avoir entamé l'année avec. Non, je n'irai pas contre le courant des bloggers littéraires qui font des chroniques dithyrambiques sur l'oeuvre de Tolstoï. Si j'ai mis longtemps à le lire, si je trouve qu'il y a quelques longueurs et que je suis un peu perdue au niveau des statuts des différents personnages, j'y ai éprouvé des émotions incomparables que je n'avais pas ressenties depuis un bout de temps.
Je passerai très vite sur le résumé de l'oeuvre parce que je pense que tout le monde le connaît. Le paysage de la société russe du XIXème siècle nous est offert à travers l'histoire d'Anna - qui justement va à l'encontre des conventions, en quête d'absolu, de vérité. Elle se perd dans cette recherche en allant chercher l'absolu de l'amour dans les bras d'un jeune amant, Vronski, pour qui elle quitte son très respecté mari et déclenche la chute que le non respect des conventions et le fait de choquer la société provoque. Parallèlement, on suit Lévine (dont Tolstoï dira qu'il s'agit en fait de lui même), jeune homme qui finalement ressemble à Anna sur plusieurs points, notamment sa haine du mensonge de la société. Son amour de la campagne pure opposée à la ville sale, ses réflexions philosophiques et idéologiques et la difficulté qu'il éprouve à accéder à une vie de famille telle qu'il la rêve rythme la moitié du roman.
On suit donc parallèlement ces deux personnages évoluant dans la même société, liés par d'autres personnages du roman sans jamais se rencontrer avant la fin. J'ai longtemps été troublée pendant ma lecture pour la simple et bonne raison que pendant plus de la moitié du roman, j'ai trouvé Anna effacée, dénuée du panache ou du lyrisme que j'ai pu trouver chez d'autres héroïnes, dotée d'un amant que je trouvais particulièrement fade et qui, selon moi, ne la méritai pas une seule seconde. A côté de ça il y avait Lévine, selon moi beaucoup plus mis en valeur dans le respect de ses propres principes, dans la rigueur de ses idées ou en tout cas de ses agissements face à la société et son isolement symbolique. Lévine pour moi a été le héros de l'oeuvre que je lisais pendant très longtemps. Et puis un peu plus loin que la moitié, j'ai commencé à percevoir ce que la narration ne disait pas forcément, en prenant du recul. Je me suis prise à aimer Anna comme une amie très chère - sans déprécier Lévine pour autant.
Mes amours ou désamours pour les personnages mis à part, ce qui pour moi est le plus important à souligner dans l'ouvrage, c'est cette capacité frappante de Tolstoï à saisir de manière terriblement juste les émotions, sensations, réactions humaines. Pas seulement celles qu'on est habitués à voir en littérature (l'amour, la jalousie - qui par ailleurs sont superbement écrites aussi) mais aussi des petites réactions bénignes qu'on a l'impression d'être seul à avoir. On se reconnaît dans les mots de Tolstoï, dans ce roman qui, paradoxalement, est tout à fait intemporel pour moi parce qu'il a quelque chose de très moderne (place de la femme mise à part, bien entendu). Je ne parle pas d'identification à un personnage - parce que pour moi ce ne fut pas spécialement le cas - mais de reconnaissance dans le côté profondément humain que Tolstoï donne à chacun de ses personnages. Aucun d'entre eux n'est un "type", ni un "archétype". Ce sont des personnes qui réagissent tout à fait à leur manière, très justement.
La première phrase du roman me paraît bien annonciatrice de ce qui arrive au lecteur pendant la lecture d'Anna Karénine. Tolstoï ouvre son roman par un magistral: "Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l'est à sa façon." En lisant Anna Karénine, on entre tout à fait dans une famille, au sens très large que cela peut avoir, et avec toutes les implications que ça entraîne: les émotions - le rire OU les larmes, l'attente, l'inquiétude, l'espérance...
Le côté émotionnel mis à part, la plume de Tolstoï, finalement simple - dans le sens où elle est très fluide - est très agréable à lire. Je n'aurais jamais vu et ne verrai sans doute jamais une scène d'accouchement aussi bien écrite, ni une scène de déclaration d'amour aussi charmante sans être totalement niaise pour autant. Je pourrais encore énumérer de nombreux passage qui m'ont littéralement soufflée - mais je vous laisse le bonheur de les découvrir vous même.

CITATIONS (je ne vous mets pas toutes celles que j'ai retenues parce que sinon on n'est pas sortis de l'auberge, et surtout parce que ma chronique commence à se faire bien longue): 

"Tout s'arrangera, tout s'arrangera. Nous serons si heureux! Si notre amour était susceptible d'augmenter, il grandirait du fait qu'il y a en lui quelque chose d'horrible!"

"Son père pensait que l'enfant ne voulait pas apprendre ce qu'on lui enseignait; en réalité il ne le pouvait pas, parce que son âme avait des besoins très différents de ceux que lui supposaient son père et son professeur; et il luttait contre ses éducateurs. A neuf ans, ce n'était qu'un enfant, mais il connaissait son âme, elle lui était chère et il la défendait, comme la paupière protège l'oeil, contre tous ceux qui voulaient y pénétrer sans la clef de l'amour. Ses maîtres lui reprochaient de ne pas vouloir apprendre, mais son âme brûlait du désir de savoir."

"En effet, nous autres, nous mangeons, buvons, chassons, ne faisons rien, et lui travaille sans répit. Pourquoi cela? dit Vassenka Veslovski, se posant évidemment, pour la première fois de sa vie, cette question, ce qui en augmentait la franchise."

BILAN:

 17/20
Et largement mérités. Si je n'ai pas mis plus, c'est simplement que certains longs chapitres sur l'idéologie de Lévine et ses travaux à la campagne m'ont parfois un peu lassée - comme pas mal de gens, il me semble. Et c'est également parce que, si la fin m'a donné Anna en héroïne sublime, j'ai du longtemps l'attendre au début du roman et ça me décevait franchement.
Je crois que le fait que je trouve Vronski et Kitty assez fade n'aide pas non plus la chose.
Ces rares points négatifs mis à part, le roman reste une splendide découverte qui m'a apporté beaucoup de réflexions et d'émotions, qui a déclenché des questionnements et puis, plus primitivement, qui m'a fait entrer dans la littérature russe!
Je le conseille donc vivement. S'il y en a que le côté pavé rebute, rassurez vous tout de suite! Certes, j'aime les pavés, donc ça ne m'a pas dérangé outre mesure, mais quand bien même j'aurais trouvé ça trop long avant de m'y plonger, la fluidité et la justesse de la plume de Tolstoï effacent tout de suite ces craintes. A part quelques passages avec Lévine qui forcent la réflexion philosophique si on s'y intéresse, tout le reste de la prose est, sans être simpliste (LOIN DE LA!!), tout à fait simple à lire, et les réflexions qu'elle apporte se déclenchent d'elles mêmes et intriguent plus qu'elles ne hantent.
Je crois que je me suis tellement attachée à Anna et à l'atmosphère du roman que je supporterais difficilement de voir une adaptation cinématographique, et pourtant je comptais voir celle de Joe Wright. Tant pis! Je gagne au change, je crois.
Enfin, bref, tout ça pour dire: laissez vous entraîner dans la danse!

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Lu dans le cadre du 

La huitième couleur


LA HUITIEME COULEUR (PREMIER TOME DES ANNALES DU DISQUE-MONDE) - TERRY PRATCHETT

En commençant ce blog, j'étais sur le point de lire Bilbo le Hobbit - et je m'étais dit que je ne ferais pas de chronique sur les romans fantastiques que je lisais parce que ça me paraissait étrangement compliqué à faire, ou peut être que j'avais peur de ne pas trouver assez de choses à dire pour une raison qui m'échappe. Le tome 1 des Annales du Disque-Monde, la Huitième couleur, me fait aujourd'hui revenir sur ma décision première. Pourquoi? Peut être tout simplement parce qu'il s'agit d'une parodie du fantastique, à lire avec un troisième voir quatrième voir plus si affinités degré, que c'est terriblement fin et drôle, que ça part dans tous les sens sans pour autant (si on ne perd pas l'objectif humoristique de l'ouvrage) perdre le lecteur.

Pour faire un bref résumé de la Huitième couleur, je dirai qu'on y fait la rencontre de deux personnages principaux (qui eux mêmes font la rencontre l'un de l'autre): Deuxfleurs l'étrange touriste avec son bagage féroce à dix pieds et Rincevent, mage raté. Au fur et à mesure qu'on avance dans le roman, on s'aperçoit qu'ils ne sont en fait que les pions du jeu de société auquel jouent les dieux (le Destin et la Dame, principalement). Ils passent de ville en ville, et plus précisément pour Rincevent de galère en galère, font des rencontres étonnantes, se retrouvent dans des situations absurdes et mortelles et s'en sortent toujours de manière complètement tarabiscotée. La Mort, qui est selon moi le ressort comique principal de ce premier tome, intervient fréquemment, très souvent blasée de louper ses cibles, rappelant irrésistiblement la Mort dans un épisode de Avez vous déjà vu? épique dont se souviennent les connaisseurs (et que je mets en lien pour les autres parce que franchement, le genre d'humour m'y fait penser et qu'on ne s'en lasse pas). Je ne révélerai pas les autres raisons pour lesquelles j'ai bien ri parce que ce serait dommage, mais j'espère que la simple évocation de la Mort vous donnera envie de vous plonger dans Pratchett!

S'il y a des moments où j'ai bien failli décrocher (parce que l'idée de faire un roman parodique, c'est bien sympathique, mais qu'à force d'abuser de noms compliqués de créatures délirantes et des situations débiles parfois on s' perd), la fin a confirmé mon envie de poursuivre dans ces Annales du Disque-Monde. Elle est délicieuse, et surtout ouvre déjà sur une toute nouvelle aventure dont on a clairement envie de faire partie!

BILAN:













12/20
Pourquoi juste 12? Parce qu'on m'a bassinée avec Pratchett pendant des années pour que je m'y mette, et que si j'ai bien aimé et beaucoup ri, je m'attendais à carrément mieux. Cela dit, je suis assez accrochée et trouve qu'il y a assez d'inventions qui relèvent du génie pour continuer les Annales du Disque-Monde, d'autant que d'après ce qu'on m'a dit, ce tome 1 n'est tout simplement pas le meilleur. Je vous tiendrai donc au courant dans mes futures chroniques quand j'en aurai lu d'autres! En attendant si vous voulez passer un bon moment enrobé d'humour bien anglais/bien absurde (je mets les deux même si je pense que c'est, en quelque sorte, un pléonasme, héhé), de situations délirantes et de jeux de mots tellement ridicules qu'ils en sont irrésistibles, mettez vous donc à Pratchett!