dimanche 25 novembre 2012

La confusion des sentiments


LA CONFUSION DES SENTIMENTS - STEFAN ZWEIG

J'ai lu cette nouvelle de Zweig dans le cadre de la lecture commune des babychallenges classiques du site Livraddict (lien dans la bannière en dessous de mon article!). C'est la première fois que je lis un ouvrage "imposé" par le site et je dois dire que je ne l'ai pas regretté une seconde.

Alors qu'on s'apprête à sortir sa biographie, un professeur éminent se souvient à la première personne du singulier du bouleversement intime qui a fait de lui l'homme accompli et admiré des académies qu'il est maintenant. Zweig y peint la passion éprouvée pour un professeur-pilier du départ de sa vie savante, le trouble de ce lien qui dépasse vite le personnage principal et cette histoire courte et finalement assez intense pour qu'elle paraisse au narrateur plus importante que n'importe quel fait contenu dans sa biographie à sortir. 
On sort de la Confusion des sentiments extrêmement troublé. En fait, le titre même de l'oeuvre pourrait s'appliquer à l'effet qu'il provoque chez ses lecteurs! Dès les premières pages on entre dans une écriture fine, très belle et pourtant très accessible, et ce qui semble au début être l'histoire banale d'un jeune étudiant tout juste parti de chez lui se transforme très vite en peinture précise de la rencontre avec un formidable pédagogue, puis d'une passion platonique profonde, et enfin d'un trouble et d'une prise de conscience qui amène finalement une dernière touche à l'apprentissage du narrateur.
Parce qu'en effet, la Confusion des sentiments est bien une nouvelle d'apprentissage. Le motif revient sans cesse, à tous les niveaux; il commence par l'initiation sexuelle du héros qui apprend la débauche en partant de chez ses parents, puis son ouverture aux nourritures de l'esprit où il apprend à aimer apprendre. Il est aussi peu à peu initié à l'amour, à l'amour dévorant quelle qu'en soit la forme (et je ne parle plus ici de sexe). Et à la fin, ses yeux sont à nouveau ouverts.
Inutile de dire que cette nouvelle apporte beaucoup à réfléchir, même si elle risque de me demander un certain temps histoire de prendre du recul - parce que oui, on est très secoué émotionnellement, très troublé, et - ironie voulue! - je trouve qu'on a en sortant de cette lecture un rapport trop passionnel au livre pour pouvoir le questionner tout de suite. Je songerai peut être à éditer cet article dans quelques temps!

CITATIONS: 

"Je veux ajouter un feuillet secret aux feuilles publiées, ajouter un témoignage du sentiment au livre savant, et me raconter à moi-même, pour l'amour de lui, la vérité de ma jeunesse."

"Etant elle-même beauté, la jeunesse n'a pas besoin de sérénité: dans l'excès de ses forces vives, elle aspire au tragique, et dans sa naïveté, elle se laisse volontiers vampiriser par la mélancolie. De là vient aussi que la jeunesse est éternellement prête pour le danger et qu'elle tend, en esprit, une main fraternelle à chaque souffrance."

BILAN:

17/20
Je le conseille absolument. Il est non seulement court mais si bien écrit qu'il se lit extrêmement vite. C'est un vrai plaisir mêlé à un trouble interrogatif très agréable à ressentir. C'est également une peinture de la passion sans limites très belle - d'autant qu'on a pas l'habitude de voir ce thème traité étant donné que cette fois la passion est absolument platonique - et intéressante. Le thème des pédagogues qui ont compté dans nos vies parce qu'ils étaient marquants, passionnants et passionné et qu'on voulait absolument leur plaire, mais également celui de l'homosexualité à l'époque de Zweig y sont traités avec délicatesse. Et le tout laisse dans un état délicieusement troublant...
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jeudi 22 novembre 2012

Caligula


CALIGULA - ALBERT CAMUS

Caligula est un jeune et sensible empereur de Rome. Après la mort de sa soeur (et amante?) Drusilla, il perd la raison, demande la lune, installe une dictature (pardon pour le terme anachronique) sanguinaire où il s'applique à tuer arbitrairement tous ses sujets. Agissant de manière absurde et imprévisible, disant aimer la mort et ainsi vouloir celle des autres mais n'avoir rien contre la sienne, il nourrit sa tyrannie tout en étant parfaitement conscient qu'elle fabrique dans la tête de ses sujets des idées de complot.
"Ange en quête d'absolu? Monstre sanguinaire?" Caligula est désigné sur le quatrième de couverture comme une des figures les plus troublantes de notre théâtre - et j'acquiesce tout à fait. Contrairement à certains personnages du théâtre contemporain, il n'est pas simplement violent, 'trash' et provoquant juste pour la forme ou pour provoquer le spectateur. On assiste, devant son règne et ses questionnements, à une véritable recherche, un questionnement, un mélange qui s'est fait à la mort de sa soeur (et peut être avant) et qui n'arrive pas à se démêler. On le voit lutter, un peu. On est absolument d'accord avec le sentiment que Scipion et Cherea ont à son égard: c'est un monstre dans ses actes, oui, mais on ne le hait pas pour autant. A l'inverse, on est incapable d'éprouver une réelle tendresse pour lui. Sa recherche d'absolu semble être quelque chose d'inatteignable, et qui d'une certaine manière le met lui même hors de portée.

La construction du personnage mise à part, ce qui m'a véritablement marquée ce sont la scène Cherea/Caligula et la scène Scipion/Caligula. Peut être parce que ça chamboule le personnage de fou en le mettant en présence de personnage qui réfléchissent un peu plus que les patriciens (qui sont des figurants dans cette histoire - ou plutôt des pions), et que ça le fait évoluer sous nos yeux. Peut être parce qu'on se pose les mêmes questions qu'eux.
Mais voilà, en venant de reposer l'ouvrage pour la dernière fois, j'ai quand même une sensation de manque, un trouble qui fait que je n'ai pas pu totalement apprécier (et peut être même "je n'ai pas pu apprécier l'oeuvre à sa juste valeur") ce que j'ai lu. Peut être est-ce une incompréhension, peut être est-ce que j'ai vraiment très envie/besoin de le voir jouer maintenant pour que certains motifs fassent sens, parce que ça reste imprécis - je n'en sais rien, mais c'est très frustrant. Il est dit dans le dossier à la fin de l'oeuvre qu'il faut compléter sa lecture par celle du Mythe de Sisyphe et de la Chute - je vais donc m'y atteler en espérant combler ce manque!

CITATIONS:

"HELICON - Il faudra patienter, voilà tout. Il faut un jour pour faire un sénateur et dix ans pour faire un travailleur.
CALIGULA - Mais j'ai bien peur qu'il en faille vingt pour faire un travailleur d'un sénateur."

"HELICON - On meurt parce qu'on est coupable. On est coupable parce qu'on est sujet de Caligula."

BILAN:

12/20
Je pense que c'est à lire. Je pense que je vais devoir le relire plusieurs fois au fil du temps pour combler cette sensation de manque - de pièce de puzzle manquante. Je sens que c'est important, que les questionnements qui s'y posent sont beaux et intéressants - et puis, honnêtement, le personnage de Caligula vaut largement le coup.
Pour être plus concrète, j'ajouterai que Camus, lui, est un vrai tyran des didascalies! En tant que théâtreuse qui n'aime pas tellement lire du théâtre mais plutôt le jouer, je me suis sentie un peu agressée/agacée par le nombre de didascalies que Camus mets, qui me semblent parfois inutiles et en tout cas réductrices et qui ont tendance à bloquer la liberté d'imaginer l'oeuvre en scène qu'on pourrait avoir.
Pour éviter de finir sur une note (franchement négative) j'ajouterai que ce n'est vraiment pas long à lire du tout - ben voui c'est du théâtre - et que je serais très curieuse de lire vos avis!

A bientôt :)


jeudi 15 novembre 2012

Scènes de la vie de bohème


SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME - MURGER


Scènes de la vie de bohème met en scène un groupe de bohème: Marcel, Rodolphe, Schaunard (musicien), Collline (philosophe) etc. Ils sont jeunes (la vingtaine), talentueux et absolument sans le sou dans le Paris du 19ème siècle. Comme dit le quatrième de couverture:

"Poètes et musiciens au ventre creux, rapins prompts à embobiner le bourgeois, philosophes fumeux épris de grisettes, ils ont vingt ans, peuplent les mansardes du Quartier Latin, mênent une vie volage et aiment se retrouver au café Momus, où 'le premier devoir du vin est d'être rouge'."
Étant donné que c'est un livre français à mon avis introuvable ou si peu dans une autre langue je me permets d'en parler dans ma langue natale.
Je ne l'ai pas encore tout à fait fini (ou presque: il me manque un bout de l'annexe). J'ai eu beaucoup de mal au début - je ne m'attendais pas à ce que ce soit des nouvelles, je n'aime pas les nouvelles et j'ai mis un temps. Mais peu à peu les personnages (envers qui j'éprouverais sans doute une certaine antipathie si je les rencontrais dans la vraie vie) deviennent attachants, l'écriture devient jouissive bien que très simple, leurs comportements deviennent absurdes. C'est une très belle immersion dans le monde des bohèmes - je pense à le préciser pour les parisiens qui ont eu ou auront l'occasion d'aller voir l'exposition sur eux au Grand Palais ou la rétrospective à la Cinémathèque Française.
En revanche, s'il on rit de bon cœur de leurs excentricités, il faut tout de même vous prévenir que toutes ces petites nouvelles (qui se suivent: ce sont toujours les mêmes personnages, et ça suit plus ou moins une ligne chronologique déterminée par leurs histoires d'amour) sont, au fond, très tristes. Aucun d'entre eux ne sort véritablement de l'anonymat, et puis, dans la jeunesse bohème, surtout, on meurt! Je reprocherais peut être également le manque de distinction entre les personnages. Très vite, on fini par les confondre et ça n'aide pas.

CITATIONS:
"Ils sortirent de chez La Mère Cadet à neuf heures du soir, passablement gris tous les deux et ayant la démarche de gens qui viennent de dialoguer avec les bouteilles."

"Arrivé cependant à la fin d'un poème
Où je jette mon coeur dans le fond d'un grand trou,
- Gaîté de croque-mort qui s'enterre lui même,
Voilà que je me mets à rire comme un fou."

"Ca ne vous empêchera pas de l'aimer toujours. Vous l'embrasserez sur les lèvres d'une autre."

BILAN:

12/20
Je conseille donc la bête si on veut une lecture pas très compliquée et qui plonge immédiatement et efficacement dans la réalité d'une époque et d'une vision de la vie. Ça se lit assez vite, c'est agréable. Après, ça ne fait pas partie des livres que j'irai recommander expressément. Mention spéciale pour la nouvelle "Mademoiselle Musette" qui peut provoquer des relens de tendresse assez puissants chez le lecteur.




Bonjour! Je m'appelle Eugénie, j'ai vingt ans, je fais des études de philo et de théâtre.

J'ai décidé de créer ce blog parce que je me suis rendue compte que je ne réfléchis pas assez après coup sur les lectures que je fais, et que ça entraîne parfois le fait que je me retrouve quelques années (parfois même seulement quelques mois!) plus tard à ne plus me souvenir des réflexions ni même de certaines émotions ressenties pendant que je lisais. Et puis, il faut aussi que je m'entraîne un peu à écrire des "discours critiques"! Voilà. J'espère que mes articles vous donneront envie de lire (ou justement de ne pas lire!) les livres dont je parle, j'espère aussi que j'arriverais à m'améliorer sur ce terrain. Bonne visite!